Le but est de poser les bases rigoureuses d'une histoire – le canevas – et de préparer suffisamment les acteurs en imaginant les caractérisations de leurs personnages et leurs "backgrounds".

La structure de l'histoire a été définie au départ comme un séquencier et chaque personnage possédait sa "bible", tout en laissant la possibilité aux acteurs, au scénariste et au réalisateur d'improviser le moment venu selon la situation.

Quatre personnages, douze comédiens

Chacun des quatre personnages a un passé et des objectifs solides et lisibles. Mais sa façon de louvoyer vers ces objectifs a été explorée par trois comédiens, sur autant de registres.

Cela donnait par exemple, pour les trois facettes du personnage de Hughes :

1.             lâche, paranoïaque, pervers, manipulateur

2.             altruiste, généreux, tendre, franc

3.             égoïste, jaloux, violent, bon vivant

Tout était prévu pour donner un maximum de place à ces improvisations guidées. La lumière par exemple a été conçue de façon à être installée en début de journée et permettre ensuite une totale liberté de mouvement dans les décors spécifiques.  Elle pouvait également être modifiée par les acteurs à l'intérieur même du jeu. 

LES INTENTIONS DU REALISATEUR

Passage de témoin

« de ce monde» explore diverses facettes de quatre personnages à première vue sans histoire. La confrontation de leurs facettes débouche sur une remise en question périlleuse de leurs certitudes sur le sens de la propriété et de la responsabilité. Les deux frères et leurs épouses perdent quelques illusions confortables mais sortent plus mûrs de ces quatre jours d’inventaire. Confrontés à la mort subite de leurs (beaux-)parents, ils ont besoin de ces quatre jours en dehors du temps pour non seulement accepter leur sort, mais aussi pour mettre cartes sur table, et consentir à devenir, à leur tour, porteurs du témoin vers la prochaine génération.

Le patrimoine familial est un des aspects important de ce projet. C'est à travers la préservation de ce dernier que l'émotion des personnages, malgré eux en quête d'eux même, peut prendre toute sa force. On ne peut pas se débarrasser de ses souvenirs, surtout lorsqu'ils sont partagés avec d'autre membre de la famille, sans se blesser ou briser certains liens auxquels on tient particulièrement.

Ecologie de la montagne

L'écologie tient également une grande place dans cette aventure filmée dans les Alpes valaisannes. Dans ce milieu naturel de plus en plus abimé, que peut-on faire à l'intérieur même de son propre lopin de terre ? Quelle importance cela a-t-il finalement ? Si les personnages vendent leur chalet et troquent leurs souvenirs contre un peu d'aisance financière, leur forêt, si petite soit-elle, sera vraisemblablement rasée pour laisser place à une route.

Alors qu'ils partent pour rejoindre le lieu du décès de leurs parents, ils marchent à travers la montagne et constatent à quel point cette dernière est déjà en partie défigurée par les stations de ski et autres remonte-pentes. Depuis l'époque de leur enfance, des chalets "clé en main" poussent de tous côté. Face à tout cela, il y a peut-être une façon de réagir, en commençant par ce qui nous appartient, même s'il ne s'agit que de quelques mètres carrés à défendre. Cette réflexion sur notre relation complexe au « patrimoine naturel » me tient d'autant plus à cœur que je me sens impuissant, mais aussi responsable (je possédais à l'époque le chalet où nous avons tourné le film), face à cette inexorable détérioration.

Filmer pour inventorier

D'une manière plus générale, je conçois mon métier, ainsi que toutes les activités artistiques, comme un moyen de mieux se connaître – de s’inventorier - et d'être à l'écoute, au sens large du terme. Il est question de nous arrêter quelques instants sur des situations, apparemment anodines, mais primordiales pour moi, auxquelles nous serons tous confrontés un jour. C'est pourquoi j'estime que les réflexions que nous entamons à travers ce film sont extrêmement importantes.